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Triptyque Dario 3- Le Pere

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9-NiNe-9's avatar
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*Ce texte est la troisième et dernière partie d'un triptyque. Merci de LIRE LE COMMENTAIRE EN BAS AVANT D'ENTAMER CE TEXTE.*



Je n’ai aucune idée de comment j’ai réussi à rentrer jusque chez moi, mais je suis bel et bien dans la cour de la propriété familiale. Mes pneus crissent à nouveau alors que je freine brusquement, dérapant légèrement sur le sol meuble. Je serre les dents.
Je coupe le moteur, éteignant aussi la musique, et je suis assailli par le silence.
Oh mon Dieu, mais qu’est-ce que j’ai fait…

Les larmes me montent aux yeux. C’est comme si seule ma détermination à rentrer à la maison m’avait fait tenir le coup jusque là. Maintenant que je suis chez moi, j’ai le droit de m’effondrer.
Totalement inconscient de mes mouvements, mû uniquement par l’habitude, je sors de la voiture et la verrouille par-dessus mon épaule en me dirigeant vers le perron de la maison.

La lumière du hall s’allume alors que je pose le pied sur la troisième marche du perron. Le temps que j’arrive sur le seuil, c’est mon père, toujours en costume cravate mais totalement échevelé, qui ouvre brutalement la porte sous mon nez.
- Non mais Dario je peux savoir ce que c’est que ce merdier!? me hurle Salvatore Dominatti. Il est trois heures trente du matin et tu te permets d’entrer dans la cour comme si on était à Maranello! Tu n’as donc aucun respect!?
Je dois le regarder avec des yeux grands comme des soucoupes et la bouche béante parce qu’il croit bon d’ajouter:
- Qu’est-ce que tu as encore fait comme connerie espèce de demeuré? Tu as abîmé le portail avec la voiture? J’espère pour toi que non, parce que sinon tu vas …
- Papa, je crois que j’ai tué quelqu’un, murmuré-je.
Aussitôt, le flot de remontrances paternelles se stoppe. Salvatore me détaille des pieds à la tête, l’air totalement effaré.
- Pardon? Dario, répète-moi ça!
- Je… Je rentre de chez Tante Lisa. Je… je crois, non, je… j’ai renversé une femme sur le chemin du retour.
J’ai juste le temps de le voir jeter un coup d’œil à la voiture avant d’être violemment tiré à l’intérieur de la maison.
- Dans mon bureau, dépêche-toi!

Comme dans un rêve, j’entends mon père refermer la porte d’entrée, le claquement des talons de mes chaussures sur le marbre, le dong sonore de la pendule du salon sonner la demie heure. Tous les bruits se répercutent sur le sol, les murs, le plafond dans un écho sans fin.
        J’aimerais que mon bad trip s’arrête, que je puisse savourer sans artifice mes derniers moments d’homme libre. Mais au lieu de ça j’écoute les échos se répondre en gravissant le grand escalier menant à l’étage, où se trouve le bureau de mon père. Celui-ci me suit de près, son téléphone portable à la main.
        Arrivés devant la porte ouverte du bureau, j’ai un instant d’hésitation, mais mon père me pousse sans ménagement à l’intérieur de la pièce. Me plantant devant son imposant bureau d’ébène, Salvatore prend le temps de s’asseoir confortablement dans son siège de PDG avant de m’ordonner d’une voix sèche:
- Explique-toi!

Je commence à bafouiller des explications confuses, ne respectant pas la chronologie des évènements…
- Dario! Les faits! J’en ai rien à foutre de ce que tu as fait de ta soirée! Où l’as-tu percutée? A quelle heure?
- Euh…, je creuse ma mémoire à la recherche d’un souvenir quand soudain je me souviens de l’enseigne. En face de la bâtisse que possèdent les Leone. Celle dans le centre, la grande en ciment…
- Il y a combien de temps?
- Euh, je ne sais pas… Trente minutes, peut-être plus…
Mon père se lève d’un mouvement si vif que je recule par réflexe.
- Pauvre crétin, lâche-t-il en composant un numéro sur son portable, la moitié de Milan a eu le temps de voir son cadavre maintenant! Allô! Oui, passez-moi Fiorentini et vite! C’est Salvatore Dominatti et c’est urgent! hurle mon père en sortant du bureau comme une tornade, me laissant planté là.
Peu à peu, l’adrénaline retombe et une vague de fatigue me frappe de plein fouet. Je me laisse tomber dans l’un des canapés, abattu.

Je somnole pendant plusieurs minutes, pensant de façon totalement décousue à ce qui va m’arriver. L’arrestation, le procès, la prison. La honte, mes parents qui me déshéritent, Venda et Kenji qui me tournent le dos. Je viens de tout perdre mais j’ai quand même envie de dormir. Je suis ridicule.
        Je devrais appeler mes amis. Appeler Carla pour lui dire qu’elle est la meilleure cousine du monde, même si ce n’est qu’une alcoolo, appeler Kenji et Venda pour leur dire que je ne suis qu’un con et que je suis désolé. Je pourrais même appeler Fenella, lui dire que je ne l’ai pas oubliée même si on ne s’est pas parlé depuis 2 ans. Et si je…

- AIIIE!
Le gémissement m’a échappé avant même d’avoir eu le temps de comprendre ce qui se passait. Incroyable comme les infos de douleurs arrivent vite jusqu’au cerveau qui dit de hurler, avant même d’envoyer les informations pour dire à la tête « Hey, t’as vu, on vient de te traîner par les cheveux hors du canapé! Tu as MAL! ».
- Pauvre crétin! Tu es vraiment trop CON, Dario! crie mon père en me jetant violemment au sol. Tu n’es pas mon fils, ce n’est pas possible, JAMAIS Stefano n’aurait été aussi stupide!
Je me recroqueville instinctivement sur le sol.
        Je n’ai toujours pas complètement dessaoulé et je suis toujours un peu défoncé, j’ai l’impression que les insultes de mon père m’arrivent en différé. Je suis en train de regarder une rediffusion de toutes les engueulades passées, toutes celles qui se sont finies par Salvatore Dominatti collant une branlée à son crétin de fils pour avoir encore une fois jetée la honte sur sa si vertueuse famille.
L’idée de la rediff doit m’avoir semblée drôle car mon père repart de plus belle dans les insultes.
- Ça te fait rire petit con?! Tu te rends compte que tu as failli foutre ma vie en l’air? Foutre l’avenir de ma compagnie en l’air!? Je me suis trop battu pour arriver là où j’en suis, Dario! Ce n’est pas un pauvre demeuré comme toi qui va tout détruire, tu entends! Tu m’entends, Dario!?
Je me mords la langue. Il a ponctué sa dernière question d’un coup de pied que j’ai reçu en plein dans l’estomac. J’ai la respiration trop courte pour lui répondre quoi que ce soit.
- Tu es la honte de cette famille! Même cet imbécile de Leandro est plus digne que toi! Je devrais te laisser pourrir en Sicile même pendant les vacances!
Nouveau coup de pied, dans les côtes cette fois ci. J’ai extrêmement mal mais je suis trop fatigué pour me lever et courir me cacher comme je le faisais quand j’étais petit. Je voudrais juste dormir. Que la police vienne me chercher, qu’on me jette en prison et qu’on me laisse dormir…
- Tu as idée de ce que j’ai dû faire pour étouffer cette histoire?! J’ai dû appeler -coup de pied- ce bâtard de Fiorentini -coup de pied- et le menacer -coup de pied- pour qu’il nettoie la scène du crime et qu’il passe le tout sous silence!!!
Cette fois, le coup ponctuant la fin de la phrase m’atteint au visage. Quelque chose de chaud se répand sur menton, il m’a sûrement éclaté la lèvre, peut-être pété le nez.
- J’ai fait chanter le chef de la police Milanaise, bordel Dario! Il va me trouver un coupable.
        Je sens la semelle de sa chaussure s’enfoncer lentement dans la peau de ma joue. Ça va laisser des marques ça… Il pèse de plus en plus fort sur mon visage et l’idée me traverse l’esprit que s’il appuie trop fort mon crâne va exploser et repeindre la pièce en ’Rouge Cerveau d’Assassin’. Je m’attends à tout moment à ce que mes os cèdent sous la pression mais il n’a apparemment pas fini son monologue.
Me poussant sur le dos d’un coup de pied dans les côtes, mon père se penche sur moi pour me regarder dans les yeux:
- La version officielle c’est que tu t’es arrêté pour pisser en rentrant de chez ta connasse de tante et qu’un Albanais bien connu des services t’a attaqué et piqué ta bagnole, sussure-t-il. Et que vu que tu es une lopette -coup- une PUTAIN DE TARLOUZE -coup- il t’a laissé à moitié mort sur le bord de la route -coup-. Ensuite ce putain d’Albanais de merde -coup- a voulu faire le mariole dans Milan et il a tué cette cruche -coup-. Et maintenant il faut que j’envoie un de mes hommes foutre ta bagnole de merde -coup- dans un terrain vague!

Apparemment, il a fini son petit discours parce qu’il s’accroupit à mes côtés, m’observant d’un air glacial.
        J’ai du mal à respirer, je crache du sang et j’ai bien peur qu’il m’ait aussi cassé une dent. Mon père tend une main vers mon visage. Instinctivement, je tente de me recroqueviller à nouveau mais mes membres ne m’obéissent plus. A mon tour d’être la poupée désarticulée.
Mais au lieu de me finir à coup de poings, il dégage simplement une mèche de cheveux collée à mon front par le sang.
- Regarde ce que tu m’as fait faire, Dario… Regarde l’état de cette pièce! ajoute-t-il en ouvrant les bras pour englober tout son bureau.
En effet, le tapis est ruiné et j’ai fait tomber une lampe qui était posée sur son bureau en me débattant. Et alors?
- Et alors!? répète mon père, me faisant comprendre que j’ai parlé tout haut. Tu te rends compte Dario de ce que j’ai dû faire à mon bureau pour préserver ma famille et mon entreprise de la honte? Tu as conscience, hein?
Il me donne une petite claque sur la joue avant de se redresser.
- J’ai des coups de fils à passer. Il faut que je nettoie tes bêtises, gamin.
        Je le regarde s’éloigner tranquillement vers la porte et un sentiment de soulagement indescriptible me frappe. Mon Dieu, je suis vivant…
Alors que mon père atteint la porte, je vois une ombre se profiler dans l’encadrement.
- Papa? Y a un souci? Je t’ai entendu crier et … Oh mon Dieu, Dario?!
J’aperçois le mouvement instinctif qu’a mon frère pour entrer dans la pièce avant de se raviser. Il s’inquiète. Comme c’est mignon. Non, non pas de souci Stef, Papa et moi on faisait juste un combat de boxe dans son bureau, rien d’anormal.
- Qu’est-ce que… qu’est-ce qu’il a fait? demande Stefano à mon père d’un air hésitant.
A contre-jour, je vois mon père me jeter un coup d’œil par-dessus son épaule avant de partir et répliquer dans un sourire:
- Il a abîmé sa bagnole.

Pendant plusieurs secondes, Stefano m’observe à la lumière du couloir. Il fait un pas pour entrer dans le bureau, puis recule comme s’il s’était brûlé avant de marmonner:
- Je t’envoie la bonne pour qu’elle nettoie ce merdier.

Tournant ma tête pour fixer les ombres au plafond, j’écoute les pas de mon frère s’éloigner puis disparaître. Alors seulement je m’autorise à relâcher mon souffle.
Pendant les quelques secondes délicieuses qui précèdent mon plongeon dans l’inconscience, je réalise que je ne vais pas aller en prison.
Que je suis vivant.
Et que je suis chez moi.
CE TEXTE EST LA TROISIEME ET DERNIERE PARTIE D'UN TRIPTYQUE.
Merci de lire les 2 parties précédentes avant:
Triptyque Dario 1 - La Fête
Triptyque Dario 2 - L'Accident

Donc voilà, le triptyque est fini.
J'espère que ces textes vous ont plu et j'attends avec impatience vos critiques et vos commentaires (bah oui, c'est toujours mieux de publier quand on se sait lue.)
:heart:
© 2008 - 2024 9-NiNe-9
Comments12
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Kuroe-sama's avatar
J'aime, c'est franchement triste, c'est bien, j'avais besoin de déprimer ! xD Rah zut, j'ai retrouvé l'humeur, je vais zig-zaguer sur tes textes pour voir si il y en a un joyeux ! Ou un triste. En tout cas j'adore ton style ! *-*