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9-NiNe-9's avatar
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-Tu t'en souviens?
Je relève la tête un peu trop brusquement, manquant de me bloquer à nouveau le cou. Bon sang de torticolis.
-De quoi, Leo?
        Mon frère s'approche sans bruit. Je lui ai toujours envié ce don qu'il partage avec Vendetta. Comparés à eux, Matteo et moi sommes si bruyants, si mal dégrossis. Mon parfait petit frère prend place à mes côtés dans le canapé et baisse lui aussi les yeux vers les photos encadrées disposées sur la table basse.
-De l'époque où tout était simple. Où nous étions des gamins.
Avec un soupir, je repose l'un des cadres à sa place.
-Difficilement, marmonné-je en desserrant un peu le nœud de ma cravate. Il est deux heures trente du matin, ces vieilles badernes ne dorment-elles donc jamais?
-Les politiciens dorment le jour, comme les vampires, chuchote Leonardo en finissant son verre de vin.
Mon petit frère. C'est un adulte maintenant, mais je ne peux m'empêcher de le voir comme un enfant. Les deux ans et demi qui nous séparent m'ont toujours semblé être un gouffre sans fond. Je suis l'aîné, je suis l'adulte.
        Mon regard se reporte sur les photos. Quand tout était simple... Quand est-ce que tout a commencé à être compliqué? Quand maman est décédée? Avant? Quand la Nonna et notre père ont décidé de faire de Vendetta une arme? Avant cela encore?
Sûrement avant même notre naissance. Nous sommes tous nés dans un nid de vipères et nous nous démenons depuis toujours pour ne pas nous faire mordre.

        A l'autre bout de la salle Letizia danse de groupe en groupe, souriant à tous, riant aux plaisanteries, rougissant aux compliments, se comportant déjà comme une femme du monde du haut de ses quatorze ans. Près d'une des cheminées, mon autre sœur discute paisiblement avec un ministre français. Elle feint le plus grand intérêt pour ce que le vieil homme chauve lui raconte mais jette de temps à autres un coup d'œil vers le balcon. Elle surveille Matteo.
-Elle ne fait que ça depuis que maman est partie. Elle a peur pour lui. Et elle a sûrement raison, il n'est pas stable.
Je me retourne vers Leo qui sirote un verre à nouveau plein. Combien de verres de vin depuis le début de la soirée?
-Il n'a jamais été stable, Leo, ce gamin est faible.
Mon frère me dévisage avec une moue presque triste.
-Tu sais que tu ressembles vraiment à papa quand tu parles comme ça? Tu as le même pli de dégoût à la bouche, c'est charmant. Venda fait ce qu'on lui dit de faire, elle protège sa famille. Et pour l'instant c'est Matteo qui a besoin de toute son attention...
-Son attention serait bien mieux fixée sur des gens qui la méritent, Leo. Même Letizia est plus utile que Matteo, et pourtant à part dépenser l'argent de papa elle ne fait pas grand chose!
-Baisses d'un ton, veux-tu? murmure mon frère en jetant un regard derrière lui. Tu les vois les gamins sur cette photo? continue-t-il en s'emparant de l'un des cadres. C'est ce que j'entendais par « Quand tout était simple », à cette époque là tu ne méprisais pas Matteo, tu ne voyais pas Letizia comme un futur mariage arrangé et tu ne considérais pas Venda comme un simple garde du corps. A cette époque là nous étions ta famille, Alessandro. Alors la véritable question, ce n'est pas de savoir si tu te souviens de cette époque. C'est de savoir quand tu as décidé d'arrêter d'être toi pour devenir l'ombre de papa. Tu as vingt-trois ans, mon frère, tu ne devrais pas raisonner comme un vieillard et voir les membres de ta famille comme des pions.
-La famille! Tu n'as que ce mot à la bouche! Tu ne comprends rien, Leonardo! Maman est morte. La seule chose qui faisait de nous une famille est morte. Maintenant, nous ne partageons plus que du sang.
-Et ça ne signifie rien pour toi? Ces souvenirs, serine-t-il en m'agitant la photographie sous le nez, tu les partages avec quelqu'un d'autre peut-être? Que tu le veuilles ou non, Alessandro, nous sommes une famille. Et si Venda et moi devons être les seuls à nous battre pour sauver ce bateau du naufrage, alors ainsi soit-il! Tu te réjouis peut-être de voir ton "faible" frère s'effondrer et ta petite sœur se prostituer pour un peu d'attention, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Réveilles-toi, Alessandro. Ou quand papa mourra tu te retrouveras à la tête d'un clan que plus rien n'unit.

        Sa tirade finie, mon frère abandonne son verre sur la table basse et quitte la pièce comme un prince. Je sens le regard de Vendetta le suivre puis revenir sur moi. Pendant un instant, ses yeux froids semblent voir jusqu'au plus profond de mon âme. Puis, comme désintéressée, je la vois s'excuser auprès de son ministre et glisser avec grâce jusqu'au balcon.
        Letizia a elle aussi disparu, peut-être est-elle enfin partie se coucher. Peu à peu, les invités commencent à quitter les lieux. Beaucoup passent me saluer avant de gagner la sortie. Ils me serrent la main et me félicite pour ma superbe maison et cette magnifique réception. Et vous direz aurevoir à votre père de ma part, bien sûr.
Bien sûr, oui.

        Au bout d'une interminable suite d'adieux mielleux, les charognards ont enfin débarrassé le plancher.
Je suis seul dans le salon. Seul avec les restes de la soirée. Seul avec ces photos qui semblent orner chaque mur, chaque table, chaque recoin disponible. Ces photos qui semblent crier à tous nos visiteurs: Regardez cette famille! Ces parfaits enfants, cette superbe femme, cet homme si charismatique. Regardez comme la perte de son cœur ne l'a pas affectée. Regardez comme ils sont toujours unis et souriants et parfaits.

-Alessandro, il est temps d'aller dormir.
Évidemment, je ne l'ai pas entendue arriver. Sans me retourner, je sens la présence de ma sœur juste derrière moi.
Vendetta. Imposante, froide, le calme avant la tempête.

Machinalement, je pose mon verre sur la table basse, m'extrais péniblement du canapé et, sans un mot, m'apprête à sortir du salon.
Vendetta n'a pas bougé. Les mains posées sur le dossier du canapé, elle fixe d'un regard vide le gigantesque portrait de famille ornant la cheminée.

Et comme une évidence, la vérité me frappe. Si logique maintenant que je retiens un rire nerveux.

Leo avait tort. Je ne régnerai jamais sur un clan en ruines.

Vendetta ne laissera pas cette famille s'entredéchirer.

Et c'est pour cela qu'une fois notre père décédé, elle prendra sa suite à la tête du clan.
... salut. :p


Comme quoi tout vient à point à qui sait attendre!
Un texte, mes amis!

Le narrateur est (encore) un autre personnage, il s'agit d'Alessandro, le fils aîné de la famille Giafredda. Il a 23 ans au moment de l'action et 4 ans d'écart avec Vendetta, je vous laisse calculer.

Je tente peu à peu de me remettre à écrire. Apparemment les terres canadiennes ne sont pas assez stimulantes pour mon petit cerveau de parisienne, du coup je dois me forcer pour sortir des ambiances de nulle part et créer des dialogues à partir de rien du tout.
Ça fait tout drôle, pas naturel. J'espère que ça ne se ressent pas trop dans le texte.

Comme toujours, les commentaires et les critiques sont plus qu'encouragés. Ils sont attendus, espérés, je me tords d'impatience en guettant mon écran, tout ça tout ça.
© 2009 - 2024 9-NiNe-9
Comments12
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Kafein's avatar
bon, je dirais que la "rouille" se ressent particulièrement dans les descriptions un peu pèle-mèle qui ont tendance à bouffer la fluidité de la lecture. Mais ça reste bien écrit, malgré le style un peu hautain (qui est volontaire et qui colle tout à fait à tes persos, mais j'ai un peu de mal avec) L'utilisation du mot "badernes" reste un grand mystère pour moi... :)
By the way, jolie faute ici : "Sa tirade finit, mon frère abandonne son verre..." => finiE !!! m'enfin !